LA LOCATION ET LE CRÉDIT BAIL DE PARTS OU D’ACTIONS

 

 

Au titre des nouveaux outils appelés à favoriser les transmissions d’entreprises, le crédit bail et la locations d’actions ou de parts sociales viennent de faire une entrée très discrète. Certes, ces mécanismes ne sont pas totalement inédits puisque la pratique connaît déjà les locations d’actions assorties d’une promesse de cession. Mais la Loi 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a apporté à cette pratique un véritable cadre juridique. Cela devrait donc avoir pour effet de sécuriser ce dispositif et donc de le rendre plus attractif.

 

 

Le Champ d’application :

 

La plupart des titres peuvent faire l’objet d’une location ou d’un crédit bail. Ainsi, les titres non cotés des sociétés par actions et les parts sociales des SARL soumises à l’impôt sur les sociétés de plein droit ou sur option pourront être donnés à bail. Toutefois, pour qu’un associé ou un actionnaire puisse consentir un contrat de location sur ses titres, il est nécessaire que les statuts sociaux le prévoient.

 

 

Les conditions d’application :

 

S’agissant du contrat en lui-même, le contrat de location doit être écrit. Il peut être constaté par acte sous seing privé soumis à la formalité de l’enregistrement ou par acte authentique.

En ce qui concerne les parties au contrat, le Bailleur pourra indifféremment être, soit une personne physique, soit une personne morale. En revanche, la location ne pourra être consentie qu’à une personne physique dénommée le Locataire.

Quant aux mentions impératives du contrat de bail, elles sont fixées par le Décret du 11 décembre 2006 permettant la mise en œuvre d’une telle location. Le Contrat de location de titres doit ainsi comprendre, la nature, le nombre et l’identification des titres loués ; la durée du contrat et du préavis de résiliation ; le montant, la périodicité et, le cas échéant, les modalités de révision du loyer ; les modalités de cession des titres loués à supposer cette hypothèse introduite ; les conditions de répartition du boni de liquidation. Ces mentions doivent donc figurer dans le contrat à peine de nullité, à l’exception de celles relatives à la révision du loyer et à la cession des titres. En effet, et en l’absence de ces dernières mentions, le contrat est réputé avoir été conclu moyennant un loyer fixe et les titres demeurent donc incessibles pendant toute sa durée. De plus, le contrat de location doit être signifié à la Société par voie d’Huissier ou accepté par la Société dans un acte authentique par l’intermédiaire de son représentant légal, et ce, afin de devenir opposable à cette même Société.

En outre, la délivrance des actions ou des parts sera réalisée par inscription dans le registre des titres nominatifs de la société pour les sociétés par actions ou dans les statuts.

 

 

Les Droits découlant du Contrat :

 

Quant aux droits découlant de la détention des titres donnés en location ou en crédit bail, ils sont répartis entre les deux acteurs du contrat, à savoir le Bailleur et le Locataire. Le droit de vote appartient au Bailleur dans les assemblées statuant sur des modifications statutaires et au Locataire dans les autres assemblées. Et pour les autres droits attachés aux actions ou parts sociales louées, le Bailleur sera aussi considéré comme nu-propriétaire des titres et le Locataire comme usufruitier. C’est donc ce dernier qui aura vocation à recueillir les dividendes.

 

 

Les avantages en découlant :

 

Tout d’abord, le contrat de location peut permettre à un repreneur qui peine à trouver un financement, faute par exemple pour lui de pouvoir fournir des garanties suffisantes, de prendre les commandes de l’entreprise en attendant. Après avoir prouvé ses capacités de gestionnaire, celui-ci pourra plus facilement prétendre obtenir un financement  comportant le cas échéant moins de garanties qu’à l’origine. Le repreneur en mal de financement pourra également faire appel à un organisme de crédit-bail qui acquerra les actions et lui louera sur une longue période. Ce montage peut bien sûr être aussi envisagé avec un capital-investisseur. Enfin, la location d’action permettra au cédant d’éviter le possible retour de flamme d’une garantie d’actif et de passif.

 

 

Les inconvénients en résultant :

 

Le Bailleur devra maintenir la société, pendant la durée du contrat, au sein de son périmètre car même s’il n’assume plus la responsabilité de la gestion de l’entreprise, il n’en demeure pas moins lié à elle aussi longtemps que l’option d’achat n’est pas levée. Avec le risque, bien réel, de voir le Preneur renoncer, in fine, à son projet d’acquisition. De plus, le Loueur court le risque qu’à l’issue de la location, le locataire lui rende des titres dépréciés. Il ne pourra se prémunir partiellement contre ce risque qu’en insérant dans le contrat une clause d’information régulière et détaillée qui lui permettra de connaître en temps quasi réel l’apparition des premières difficultés, leur évolution et l’adéquation des mesures prises par le locataire. Or, cela ne va pas dans le sens de la simplification souhaitée par le législateur… De surcroît, et si la période de location n’est pas suivie d’une vente, le locataire aura tout loisir pendant le temps où il exploitera l’entreprise, de prendre connaissance du marché, des secrets de fabrique, du savoir-faire…et de lancer ensuite une activité concurrente, sauf à contracter dés l’origine du contrat un engagement de non-concurrence pour l’avenir.

Parallèlement, le loueur pourra de son côté ne pas souhaiter vendre à l’issue de la période de location. Le locataire sera donc avisé de négocier dés avant l’entrée en vigueur du contrat, une option d’achat des titres à l’issue du contrat de location. La sagesse voudrait que le prix d’achat à terme soit constitué d’une partie fixe et d’une partie variable dés lors qu’une telle location a vocation à s’étaler sur un ou deux ans tout au plus et que l’évolution des résultats financiers de l’entreprise durant cette période en affecte nécessairement la valeur. En dernier lieu, le régime fiscal applicable au locataire en cours de vie du contrat pose également problème. Certes, le locataire peut imputer les loyers payés au Bailleur sur les dividendes versés par la société dont les titres font l’objet de la location. Mais, et en l’absence de dividendes ou de constatation d’un déficit dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ce déficit n’est pas en revanche imputable sur le revenu global mais uniquement sur les revenus mobiliers futurs.

 

Pour conclure, ce mécanisme a donc pour vocation à offrir au nouvel exploitant d’une entreprise une forme de période d’essai au terme de laquelle il achète les titres loués ou il les restitue à son propriétaire. A cet égard, la loi répond à un besoin réel des entrepreneurs de se rassurer avant de prendre le contrôle d’une entreprise. Cette période d’essai peut ainsi être propice à la réussite d’une transmission. Ce dispositif intéresse donc directement quiconque souhaite céder son entreprise.

 

 

Xavier d’HELLENCOURT

Avocat