COMMENT DEFISCALISER SON ISF ?
La Loi TEPA, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, du 4 août 2007 a offert la possibilité de défiscaliser son ISF en investissant dans les PME. Entré en vigueur depuis le 20 juin 2007, divers obstacles au succès de ce nouveau dispositif auraient toutefois été enregistrés. En premier lieu, la difficulté pour un redevable de l’ISF, dont la profession habituelle n’est pas forcément d’investir dans des PME, d’identifier une cible qui doit à la fois être éligible à ce dispositif et offrir des perspectives de croissances suffisamment satisfaisantes. En second lieu, l’imprécision du texte à l’origine de ce nouveau dispositif qui a renforcé la crainte de voir la réduction remise en cause par une administration fiscale jugée souvent tatillonne, qui tenterait de récupérer de la main gauche ce que le législateur a souhaité accorder à la main droite.
Devant cet état de fait, l’administration fiscale a publié le 21 février 2007 au bulletin officiel des impôts, l’instruction 7 S-2-08 qui apporte de très nombreuses précisions sur la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune prévue à l’article 885-O V bis du Code Général des Impôts. Cette instruction devrait permettre de rassurer les investisseurs qui s’interrogeaient légitimement sur les modalités d’application de ce nouveau texte. Les principaux nouveaux éléments apportés par cette instruction sont les suivants :
Les souscriptions donnant droit à la réduction d’ISF :
Ouvrent droit à cette réduction d’ISF les souscriptions en nature ou en numéraire au capital de PME opérationnelles européennes non cotées réalisées directement par le redevable ou effectuées par des personnes physiques en indivision. A titre d’exemple, les clubs d’investissement constitués par des personnes physiques sous la forme d’une indivision et donc l’actif est exclusivement et de manière permanente constituée par des actions ou des parts de sociétés entrent bien dans le champ d’application de cette mesure, chacun de ses membres en bénéficiant à hauteur de ses droits dans le club. Bénéficient également de cette réduction, les souscriptions en numéraire au capital de ces mêmes PME, réalisées par l’intermédiaire de sociétés holding. Seules sont donc concernées les nouvelles actions ou parts sociales émises, soit lors de la constitution de la société, soit lors d’augmentations de capital ultérieures. A contrario, les apports en compte courant et les acquisitions d’obligations ne donnent pas droit à ce régime de faveur. Cette instruction précise enfin qu’aucune condition n’est posée quant à la forme de la société bénéficiaire de la souscription. Peuvent ainsi bénéficier de la réduction d’ISF les souscriptions de titres participatifs de SCOP (sociétés coopératives ouvrières de production) remplissant certaines conditions.
Base de calcul et durée de blocage :
Est ainsi précisé que les souscriptions en numéraires ne sont prises en compte que pour leur fraction libérée, c’est à dire effectivement versée à la société. Ainsi, ce n’est pas tant la souscription elle-même qui ouvre droit à cette réduction mais le ou les versements qui en sont le corollaire. Ainsi, la base de calcul de la réduction d’ISF est le montant des versements et non des souscriptions réalisés dans la période prise en compte. A contrario, l’obligation de conservation des titres prend effet non à la date de versement mais au jour de la souscription elle-même, que cette souscription soit entièrement libérée ou non. Ces mêmes principes reçoivent application aux investissements indirects par le biais d’une holding. Entrent ainsi dans la base de calcul les montants libérés à la fois par le souscripteur et par la holding et ceux-ci doivent tous deux conserver les titres pendant cinq années à compter de leurs souscriptions respectives.
Les Sociétés Holding :
L’instruction publiée le 21 février 2007 introduit à juste titre une distinction entre les sociétés holding animatrices de leur groupe et les autres sociétés holding. Ainsi, sont toujours considérées comme des sociétés holding animatrices, les sociétés qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et qui rendent le cas échéant, et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Les sociétés holding animatrices s’opposent aux sociétés holding passives qui sont de simples gestionnaires d’un portefeuille mobilier, ou aux sociétés holding actives qui ne sont pas animatrices. La souscription directe de parts de sociétés holding animatrices bénéficient donc de la réduction d’ISF. En revanche et en raison de leur activité financière, les souscriptions au capital de holdings non animatrices sont exclues de la réduction d’ISF au titre des souscriptions directes. Toutefois, les souscriptions indirectes au capital de PME opérationnelles réalisées par l’intermédiaire des holdings passives et des holdings actives non animatrices bénéficient également de la réduction d’ISF. Au sein de ladite instruction, est également apportée une précision importante, à savoir le fait qu’il ne peut y avoir qu’un seul niveau d’interposition. En d’autres termes, cela signifie que l’on ne doit pas avoir plus d’une holding entre l’entreprise réellement destinataire de la souscription et le souscripteur lui-même. L’instruction précise aussi que les souscriptions au capital de sociétés de capital risque et des sociétés unipersonnelles d’investissement à risque sont exclues du champ du dispositif car elles bénéficient déjà d’autres avantages fiscaux. En outre, est également précisé comme condition que la société holding doit détenir au moins 90 % de son actif brut comptable en titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés opérationnelles. Cette condition supplémentaire est appréciée non seulement le jour du versement au titre duquel le contribuable entend bénéficier de la réduction d’ISF mais également le 1er janvier de chaque année jusqu’à la cinquième année suivant la souscription.
Calcul de la réduction d’impôts :
L’instruction limite l’intérêt de ce dispositif pour les redevables qui bénéficient déjà du bouclier fiscal. En effet, la réduction d’impôt est appliquée sur le montant de l’ISF déterminé, avant application, le cas échéant, des règles relatives au plafonnement de l’imposition prévues à l’article 885 V bis du CGI. Ainsi, et à titre d’exemple, si vous devez théoriquement 40.000 € d’ISF, plafonnés à 30.000 € du fait du bouclier fiscal, et que vous bénéficiez par ailleurs de d’une réduction d’ISF de 15.000 € au titre du dispositif ci-dessus visé, votre réduction réelle sera de 5.000 €. Il est toutefois admis que dans l’hypothèse où un versement ou la fraction d’un versement éligible au bénéfice de la réduction d’ISF ne peut être intégralement utilisé par l’effet du plafonnement du montant de cette réduction, la fraction de ce versement non utilisée est éligible au bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu. En outre, l’instruction du 21 février 2007 précise que le contribuable peut arbitrer, le cas échéant, la part du versement qu’il souhaite utiliser pour le bénéfice d’une réduction d’ISF et celle qu’il souhaite utiliser pour le bénéfice d’une réduction d’impôt sur le revenu.
Conditions portant sur les sociétés cibles d’un investissement direct :
Huit conditions ont été fixées par le texte. L’instruction précise qu’elles doivent être respectées au moment de chaque versement. En outre, les deux conditions suivantes doivent être satisfaisantes au 1er janvier de chaque année, jusqu’à la cinquième année suivant sa souscription, tant par le souscripteur que par la holding dans le cas d’une souscription indirecte :
- condition portant sur l’activité de la société réellement bénéficiaire de la souscription,
- condition portant sur la localisation géographique au sein de l’espace éligible,
Les autres conditions peuvent donc ne pas être respectées en dehors des dates de versement sans remise en cause de l’avantage fiscal.
Diverses précisions ont également été apportées au sujet des autres conditions :
Pour savoir si l’entreprise ciblée est une PME, il convient d’apprécier l’effectif et les données financières (chiffre d’affaires et total de bilan) avant la prise en compte de l’investissement éligible.
Par ailleurs, le nouveau texte clarifie l’activité des sociétés bénéficiaires de la souscription. D’une manière générale, les activités qui peuvent être exercées s’entendent de celles éligibles en matière de biens professionnels, sous réserve des activités exclues pour l’article 885-O V bis du CGI. Il s’agit donc des activités industrielles et des activités commerciales y compris notamment :
- les activités de marchands de biens et les activités de lotisseurs ou d’intermédiaires immobiliers se livrant à des opérations d’intermédiaires pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, d’actions ou de parts de sociétés immobilières,
- les activités de construction d’immeubles en vue de la vente (promotion immobilière),
- les activités de gérants d’affaires(administrateurs de biens, syndics de copropriété, agents immobiliers),
- les activités artisanales,
- les activités agricoles qui doivent s’entendre de toutes celles qui procurent des revenus susceptibles de relever de la catégorie des bénéfices agricoles,
- les activités libérales qui sont des activités procurant des revenus imposables à l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux.
Résumé :
La réduction d’ISF pour investissements réalisés à compter du 20 juin 2007 permet d’imputer sur le montant de l’ISF, dans la limite annuelle globale de 50.000 € :
– 75 % des souscriptions directes ou indirectes au capital de PME européennes ou de la souscription de titres participatifs de SCOP, dans la limite annuelle de 50.000 €,
– 50 % des souscriptions de parts de FIP, de FCPI et de FCPR dans la limite annuelle de 20.000 €,
Ces réductions d’ISF s’appliquent pour la première fois à l’ISF 2008, au titre des versements effectués du 20 juin 2007 au 15 juin 2008,
Les titres doivent être conservés jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription.
La réduction d’ISF est réservée aux souscriptions de PME au sens communautaire qui exercent une activité professionnelle.
Gauthier d’HELLENCOURT
Avocat