Quand un professionnel justifie de difficultés importantes, il peut solliciter du Tribunal l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Cette procédure préventive implique que ces difficultés soient difficiles à surmonter mais exige surtout que le professionnel concerné ne soit pas en état de cessation de paiement. L’objet principal de cette procédure est d’ailleurs la prévention et l’anticipation de la cessation des paiements d’une entreprise. Elle est ouverte aux sociétés, commerçants, artisans, agriculteurs ou même aux personnes exerçant une activité individuelle y compris les professionnels libéraux.
Cette procédure a pour vocation de permettre à l’entreprise en difficultés de bénéficier pendant son déroulement, de la suspension des poursuites, d’élaborer avec ses créanciers un projet de plan de restructuration, soit par la continuation de son activité, soit par sa continuation assortie d’une cession partielle
Cette procédure présente les principales caractéristiques suivantes : Les administrations et organismes fiscaux et sociaux pourront consentir des remises de dettes en principal (outre les remises des intérêts de retard, pénalités, amendes, majorations…) et abandonner tout ou partie de leurs privilèges. De plus, les personnes physiques, cautions personnelles et coobligés de l’entreprise, pourront se prévaloir du plan de sauvegarde, et ainsi bénéficier des réductions de dettes et des délais prévus au plan ; ces personnes n’auront pas à s’acquitter de leurs engagements de garanties, dès lors que l’entreprise respectera ses engagements. En cas d’inexécution du plan de sauvegarde et en cas de survenance de la cessation des paiements de l’entreprise, le Tribunal prononcera la résolution du plan et la liquidation judiciaire de l’entreprise. Le Tribunal pourra être saisi par un créancier, le Procureur, ou se saisir d’office. Le chef d’entreprise n’est pas dépossédé durant cette procédure de ses prérogatives de gestion et de direction ; l’administrateur judiciaire nommé ne peut en effet avoir qu’une mission de surveillance et d’assistance.
Cette procédure est introduite sur demande du dirigeant, formée et déposée au greffe du Tribunal de Commerce ou du Tribunal de Grande Instance compétent. Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée maximale de six mois renouvelable une fois par décision motivée, de l’administrateur judiciaire, du Dirigeant, du Ministère Public.
Les différents effets de cette procédure sont les suivants :
L’effet premier de la procédure réside dans l’interdiction de régler toutes les dettes dont l’origine est antérieure à l’ouverture de la procédure ; ne sont pas concernés les paiements intervenus par compensation de créances et dettes connexes. Les poursuites individuelles sont suspendues, de sorte qu’aucun créancier ne peut plus poursuivre ni engager de procédure de saisie pour obtenir le paiement de créances antérieures au jugement. Le cours des intérêts est arrêté, sauf exception légale.
Les créances antérieures au jugement d’ouverture, doivent être déclarées auprès du mandataire judiciaire. Cela vise tous les créances, en ce compris celles découlant de contrats de prêts, lesquels ne sont pas considérés comme des contrats en cours. Par suite, postérieurement à l’ouverture de la procédure, il n’est donc plus possible de payer les mensualités des emprunts contractés avant le jugement prononçant l’ouverture de la procédure.
Les créances nées après l’ouverture de la procédure, et correspondant à des prestations réalisées pour les besoins du déroulement de la procédure ou pour permettre au débiteur de poursuivre son activité professionnelle, doivent en revanche, être payées normalement et intégralement à leur échéance. Le non-respect de cette exigence peut entraîner la Liquidation Judiciaire.
Les contrats en cours, au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde (à l’exception des emprunts) peuvent éventuellement être poursuivis.
En l’absence d’administrateur judiciaire, la gestion de l’entreprise continue d’être assurée par le seul dirigeant. Le mandataire judiciaire ne peut s’immiscer dans la conduite des affaires. Néanmoins, et pour les actes de disposition, des actifs immobilisés, l’autorisation préalable du juge commissaire est obligatoire. En outre, s’agissant de la rémunération du dirigeant, ce dernier devra saisir le juge commissaire qui rendra une ordonnance fixant sa rémunération.
Dès le début de la période d’observation, un inventaire des biens de la société, ou du patrimoine de l’entrepreneur individuel, est réalisé. Les comptes bancaires sont bloqués et un nouveau compte bancaire est crée à compter de la date du jugement d’ouverture. Les soldes créditeurs des anciens comptes bancaires y sont virés. Ce nouveau compte fonctionne sous la seule signature du dirigeant lorsqu’il n’est pas nommé d’administrateur judiciaire.
Les poursuites dirigées contre les personnes physiques co-obligées ou ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome sont provisoirement suspendues jusqu’au jugement arrêtant le plan de sauvegarde ou le prononcé de la liquidation judiciaire. Le Tribunal pourra ensuite, le cas échéant, accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux années.
Quid de l’issue de cette procédure ?
Plusieurs hypothèses sont envisageables :
1°) L’adoption d’un Plan de sauvegarde :
Durant la période d’observation, le dirigeant de l’entreprise, et l’administrateur judiciaire s’il en existe un, établit un projet de plan de sauvegarde. Le projet de plan doit également recenser les éventuelles offres d’acquisition des tiers, portant sur une ou plusieurs activités. Il précise par ailleurs, la ou les activités dont il est envisagé et proposé la cessation ou l’adjonction. En l’absence d’administrateur judiciaire, la préparation et l’élaboration du plan sont effectués par le seul dirigeant. Les avis et conseils du mandataire judiciaire peuvent toutefois être recueillis. Dès lors qu’ils existent des possibilités sérieuses de sauvegarde, le Tribunal arrête un plan, lequel met fin à la période d’observation. Ce plan peut avoir comme conséquence soit la cessation, soit l’adjonction, soit encore la cession d’une ou plusieurs activités de l’entreprise. Le plan permettra à l’entreprise de poursuivre le développement de son activité et de rembourser son passif sur une durée maximale de 10 ans (15 ans en matière agricole).
2°) La Conversion en Redressement judiciaire ou en Liquidation judiciaire
A supposer que les conditions économiques et financières ne permettent pas d’envisager l’adoption et la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde, le Tribunal peut prononcer le Redressement Judiciaire ou encore la Liquidation Judiciaire de l’entreprise, laquelle mettra fin à la période d’observation.
3°) La fin de la procédure de sauvegarde
Lorsque les difficultés qui ont justifié l’ouverture de la procédure de sauvegarde ont disparu, le Tribunal y met fin à la demande du Dirigeant.
Nul doute malheureusement que cette procédure méconnue du public et jusqu’à présent peu utilisée, va certainement connaître dans les mois prochains un succès croissant.
Gauthier d’HELLENCOURT
Avocat