Selon les dispositions de l’article L. 321-1 du Code du Travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d’une suppression ou transformation d’emploi, ou encore du refus opposé par un salarié d’une modification de son contrat de travail, consécutifs notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Dans un arrêt du 5 avril 1995, la Cour de Cassation avait également admis comme autre motif de licenciement la réorganisation de l’entreprise, qui n‘a pas à être motivée par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, mais qui doit être effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, ou la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient.

Dans deux arrêts rendus le 11 janvier 2006, la Cour de Cassation vient cette fois de valider des licenciements économiques prononcés suite à une réorganisation de l’entreprise effectuée pour prévenir des difficultés économiques futures, liées à des évolutions technologiques.

La Haute Juridiction précise ainsi dans sa décision que « constitue un motif économique de licenciement, la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date de licenciement ».

La réorganisation de l’entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité demeure donc désormais un motif de licenciement économique même si les difficultés ne sont pas encore concrétisées.

Il a ainsi été jugé qu’il ne pouvait être reproché à l’employeur d’avoir anticipé des difficultés économiques prévisibles et mis à profit une situation financière saine pour adapter ses structures à l’évolution de son marché dans les meilleures conditions.

En l’espèce, la modification des 930 contrats de travail des conseillers commerciaux de la société « Les Pages Jaunes » s’inscrivait en effet dans le cadre d’une réorganisation rendue nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise et le licenciement des salariés l’ayant refusée avait bien un motif économique.

Dans cette affaire, l’employeur avait démontré que la mise en œuvre de la réorganisation de son entreprise répondait à une baisse de l’audience des annuaires traditionnels et des consultations du minitel, ce qui entraînait une diminution des recettes publicitaires, dans un contexte concurrentiel et technologique en pleine évolution.

Pour établir le bien fondé d’un tel licenciement, il paraît cependant impératif que la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise, même si elle n’est pas imminente, ne soit pas simplement hypothétique. Les prévisions avancées à l’appui du projet de réorganisation devront donc être solidement établies et étayées.

Demeure toutefois en suspens la question de savoir comment les Conseils de Prud’hommes pourront désormais apprécier la réalité de ce motif licenciement dans le cas ou l’activité de cette entreprise resterait finalement saine ou dans l’hypothèse ou cette même entreprise aurait finalement pu éviter ces difficultés.

Gauthier d’HELLENCOURT
Avocat